Il est parfois des périodes de doutes plus longues que d’autres. Des chemins qui semblent ne jamais se dégager complètement, des pensées qui ont du mal à s’éclaircir. Au fond, le chemin, l’idée semble claire, utile, nécessaire même. Mais quand les étoiles ne s’alignent pas, aussi lumineuse soit-elle, l’idée reste au fond. Résignée. Impuissante.
Depuis des années à écrire des chansons, du rap, composer de la musique, je suis souvent resté « en surface » de chemins que j’aurais eu envie de pousser. J’ai pu le faire sur des projets parallèles bien sûr, des musiques de spectacle, des morceaux instrumentaux au milieu de mes disques. Mais quand même, je crois pouvoir avouer qu’à plusieurs reprises, j’ai eu peur d’y aller. De pousser un concept, vraiment, de m’affranchir des attentes des personnes qui suivent mon travail, de ceux qui le défendent. Peut-être par peur d’un résultat décousu, peut-être par peur d’être rapproché d’une poésie élitiste, slamée ou performée, dont je me suis longtemps méfié parce qu’elle me paraissait écrasée par le poids de son intention.
Mais, au bout de presque vingt ans d’un rythme tenu, tendu, et de dizaines et dizaines de chansons, l’impression d’un vide.
Un grand vide.
Une mécanique bien huilée, mais trop facile, presque.
Une écriture dont je maîtrisais les rouages, les ficelles.
Après « Codé », dont la tournée a été arrêtée en plein vol par l’actualité.
Après « Temps réel » où je retrouvais l’essence d’un rap plus spontané, mais dont l’absence de disque physique, de promo, de clips, de concerts, aura eu raison du rayonnement, même relatif, qu’il était en droit d’avoir.
Le grand vide.
Le long vide.
Long.
Et puis, comme souvent, il aura fallu une simple discussion autour d’un café. Avec mon ami David Gauchard. Discussion sur ce qui nous avait le plus manqué lors de cet enfermement forcé d’une planète entière.
Deux choses évidentes se dessinaient. D’abord le cinéma. Ça, ça m’avait manqué.
La construction d’univers. Les personnages. Les grands espaces. La mer. Ces choses dont on se délecte enfant, plongé dans un livre ou un film, ces aventures de lointain, d’ailleurs.
Le cinéma donc, mais aussi les romans, fantastiques ou d’aventure.
Et la chance de croiser le chemin d’un auteur que j’ai tant aimé lire.
Sa horde, son contrevent.
De longues discussions avec lui aussi, sur l’écriture, sa nécessité, son mouvement.
Et au milieu ce projet, cette « Nuit des Lions », encouragée par David.
Des images viennent, un récit sur l’histoire et le temps, les fantômes qui nous traversent.
Prendre son temps.
Se perdre à nouveau.
Ne pas avoir peur de ne pas être compris.
J’attendais depuis longtemps de pouvoir écrire ce voyage, comme s’il était au fond de moi depuis longtemps.
Depuis toujours.
Le voici, donc.
Une cassette. Le même format que mon tout premier projet.
Ceux qui ont la chance d’écouter encore des cassettes, et qui ont de quoi les lire, savent à quel point le charme du bruit d’une cassette lue dans un lecteur mécanique, a sur eux. N’est-ce pas ?
Pour les autres, et bien « La Nuit des Lions » sera aussi disponible en téléchargement, évidemment.
De quoi parle-t-elle, cette nuit ? À chacun sa lecture. Il y a des clés, des indices, mais peut-être ne parleront-ils qu’à moi.
Cette cassette ne sera fabriquée qu’à peu d’exemplaires. 120 pour être précis.
J’ai choisi de ne rendre le projet accessible qu’à ces 120-là.
D’abord cela me permettra de me rendre compte si ce type de projet, complétement autonome, peut se refaire à l’avenir.
Ensuite parce que la rareté d’une œuvre, à l’heure du tout accessible, est une chose que je trouve assez belle.
Il ne sera donc pas en écoute ailleurs.
Qu’emporte la nuit avec elle ? Tous ceux qui rêvent et rugissent le jour se taisent.
Apparaissent alors les lions qui portent l’histoire de l’homme vers un ailleurs que seule l’imagination connaît.
Batailles au long cours, terres lointaines, samouraïs, églises et feux. Au milieu l’homme qui rêve, s’épuise et chante ses espoirs avant d’être avalé par le temps.
Merci à ceux qui s’y aventureront.
Que les rêves et les ailleurs ne meurent jamais.
Merci à David Gauchard,
Alain Damasio,
André Markowicz,
pour leur intarissable espoir, leur énergie et leur exigence.
Arm.
Cassette sold out